Qu’y a-t-il de changé depuis le 11 septembre 2001 ? C’est la question qu’on se pose partout dans le monde avec l’imminence du dixième anniversaire de cette attaque encore si présente à nos mémoires. On peut s’en souvenir comme d’un jour atroce – et ce l’est vraiment – ou bien comme d’un mouvement planétaire de compassion, comme l’a exprimé le président des États-Unis dans une lettre aux nations:
Nous nous souvenons avec gratitude qu’il y a dix ans le monde n’a fait qu’un. […] Les gens ont offert leurs prières dans des églises, des mosquées, des synagogues et d’autres lieux de culte. Barack Obama (Lettre publiée dans le Figaro)
La peur nourrit les États policiers
Certains verront d’abord le changement dans les dispositifs de sécurité. Des centaines de milliards de dollars sont allés en 10 ans à nourrir les entreprises spécialisées en sécurité: forces spéciales, caméras, fouilles systématiques, armement, systèmes informatiques, gardiens de la paix, etc. Plus que jamais, nos sociétés occidentales ressemblent aux films de science-fiction des années 1980 avec un État policier omniprésent, mais au lieu de nous sentir liés aux rebelles, nous sommes devenus de vrais fidèles des régimes de la loi et l’ordre…
Les mesures de sécurité mises en place partout ne sont que le symptôme de notre peur. Nous avons peur pour notre vie, nos proches, particulièrement nos enfants. Nous voulons vivre en sécurité, protégés des menaces terroristes au point où nous abandonnons parfois notre liberté fondamentale et notre devoir de solidarité avec les peuples qui crèvent de faim sous nos yeux.
Nous avons peur aussi pour notre mode de vie. Nous avons tant accumulé, nous vivons dans une abondance si confortable, que la moindre des pertes nous fait devenir comme des chiens qui montrent les dents face à quiconque veut leur enlever leur bout d’os. Notre peur nous réduit parfois à n’être que des violents en potentiel. La peur engendre la haine. On hait les autres, les plus éloignés de nous, par leurs coutumes et leur religion d’abord. Et on s’aperçoit qu’ils sont là, dans notre voisinage. On les évite, car on « sait » que le mal vient par eux.
L’hostilité envers les religions
Un message circule abondamment. Nous l’entendons tous ou nous le véhiculons nous-mêmes. Je le paraphrase en le simplifiant :
Les religions sont à l’origine de toutes les guerres. C’est la religion qui alimente le terrorisme. Notre monde serait meilleur s’il n’était pas contaminé par les religions.
Dès lors, un croyant sensé n’ose plus dire son appartenance à une religion. S’il le fait, il risque aussitôt d’être catalogué d’intégriste, « de droite », d’extrémiste… voire de terroriste en puissance ! En Occident, depuis 9/11, cet opprobre touche plus systématiquement les musulmans. Malgré les appels innombrables à distinguer l’Islam (la religion) et l’islamisme (l’appropriation de l’Islam par des groupes haineux), « l’homme de la rue » continue très souvent de nourrir sa peur des deux (cf. cet article sur l’Italie).
La leçon du 11 septembre 2001
La seule issue possible au 11 septembre est le vivre-ensemble. La religion sert essentiellement à relier des humains entre eux, non pas pour haïr, mais pour aimer mieux. Il est vrai qu’on peut tuer quand on confond les convictions religieuses avec nos propres projections de peur et de haine. Mais n’en doutons pas, le coeur de toute religion véritable, c’est l’amour, la compassion, la justice, la paix. Les Égyptiens ont donné une sacrée leçon au reste du monde en février 2011 : en descendant dans la rue pacifiquement, se laissant souvent attaquer par les forces de l’ordre ou par des mercenaires engagés pour les disperser, ils ont montré que la paix se gagne par l’unité et non par la division. Ce sont ces musulmans qui ont formé un bouclier humain contre les voyous qui voulaient attaquer une église copte (catholique). Ce sont ces chrétiens qui ont formé une chaîne de solidarité autour des musulmans en prière sur Place Tahrir, afin de leur permettre de prier en paix. Voilà des exemples qu’il faut à jamais garder à l’esprit quand nous pensons aux religions.
Comme l’a affirmé Barack Obama, « Il y dix ans, le monde n’a fait qu’un ». Pour espérer en l’avenir, il ne nous reste plus que cette unique vérité : nous formons l’humanité, nous appartenons tous à cette humanité commune. Qu’elle s’étende infiniment en cultures, coutumes, croyances religieuses et traditions les plus diverses est notre véritable richesse planétaire. Quoi de mieux alors pour combattre la violence, l’intégrisme et le terrorisme, que de retrouver cette aspiration fondamentale et faire grandir notre fraternité humaine ? Pourquoi ne pas engager toute notre liberté dans ce chantier le plus inspirant qui soit ? Pourquoi ne pas chercher dans nos sources religieuses, philosophiques ou scientifiques les bases même de cette unité ?
Moi, je dis non: qui veut la paix ne prépare pas la guerre… Qui veut la paix commence par se désarmer lui-même en combattant son ennemi le plus proche, cette maudite peur de l’autre, et en se faisant proche de son frère et de sa soeur en humanité.
Fort intéressant! À méditer! Une des meilleures réflexions que j’ai lues ou entendues pour le 10e!
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Bonjour monsieur Girard,
Je retiens de votre billet cet extrait:
« La seule issue possible au 11 septembre est le vivre-ensemble. La religion sert essentiellement à relier des humains entre eux, non pas pour haïr, mais pour aimer mieux. »
Seule issue possible, mais encore faut-il que certaines conditions soient réunies, parmi lesquelles (le jeu de mots est involontaire!) la bonne foi chez les uns et les autres.
Je parle ici de la bonne foi des prédicateurs, des leaders religieux, que l’on parle de curés, de rabins, de pasteurs ou d’imams, car c’est à travers ceux-là que la haine transite. À travers ceux-là, et aussi à travers d’autres leaders d’opinions, laïques, ceux-là, et trop souvent noyés dans leurs propres préjugés.
Bien sûr, chez les cathos, les choses ont beaucoup évolué depuis que mon paternel avait été expulsé de sa classe par le « visiteur » des écoles de son village, dont le père (par ailleurs président de la Commission scolaire!) osait fréquenter le pasteur de la mitaine (de « meeting ») protestante.
Quoique… l’Irlande, ça n’est pas si loin derrière nous, et le chrétien que j’étais (étais!) en avait éprouvé une honte qui a largement contribué à sa remise en question.
Il y a la peur, qui alimente la haine, et il y a l’ignorance, qui nourrit la peur.
C’est ma première visite (Merci, Koval, pour la référence), mais je reviendrai. Votre sensibilité à la différence de l’autre me fait oublier des blogues comme les amis de la Vérité, où les références à des sites catholiques côtoient les liens vers le site du Parti Conservateur et vers des sites notoirement islamophobes.
Bravo!
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Bonjour Papitibi. Merci d’être venu visiter mon blogue !
J’oserais vous dire « Comme vous avez raison et comme je le regrette! » Le monde est infesté de personnes qui fonctionnent sur des « certitudes » personnelles plutôt qu’une véritable recherche de sens. Dès qu’une personne est arrêtée dans sa recherche et qu’elle nomme le réel à partir de vérités toutes faites, on est loin du dialogue.
Je trouve de ces gens dans l’Église catholique à laquelle j’appartiens toujours avec fierté et honte, les deux ensemble ! Comme vous l’observez justement, on les trouve partout. Je dis souvent que le dialogue oecuménique commence d’abord avec les gens qui sont du même groupe d’appartenance, car il est faux de prétendre à l’unanimité des vues, à moins qu’elle ne soit imposée. Quoi qu’on en pense, le dialogue et le débat est possible dans l’Église catholique, même si ce n’est pas la première évidence qu’on y constate. Revenez donc quand vous voulez et enrichissons-nous mutuellement !
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