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Anne Soupa: oser l’inédit

"Si l’Église défend généralement l’égalité en ce qui concerne la place des femmes dans la société, elle bloque systématiquement toute possibilité d’accès à des rôles de responsabilité qui sont réservés aux ministres ordonnés"

La théologienne française Anne Soupa se propose pour devenir archevêque de Lyon. Cet acte militant est à même de permettre un débat intéressant, notamment sur la place des femmes dans l’Église.
La théologienne française Anne Soupa se propose pour devenir archevêque de Lyon. Cet acte militant est à même de permettre un débat intéressant, notamment sur la place des femmes dans l’Église.   (Courtoisie)

[En rappel] N.D.L.R. (Présence-info.ca) : Ce texte est le fruit d’un échange entre les chroniqueurs Sabrina Di Matteo (SDM) et Jocelyn Girard (JG). Il se présente à la fois comme l’exposition de visions et d’opinions convergentes et comme un dialogue montrant qu’il est vraiment possible d’échanger sereinement et sans rivalité sur des questions aussi controversées.

* * *

Le contexte

La théologienne française Anne Soupa, 73 ans, se propose pour devenir archevêque de Lyon, un siège vacant depuis la démission du cardinal Philippe Barbarin, dont le procès a laissé des blessures importantes au sein de l’Église. Cet acte militant est à même de permettre un débat intéressant, notamment sur la place des femmes dans l’Église.

La place des laïques dans la gouvernance de l’Église

SDM : Pour comprendre la démarche d’Anne Soupa, il faut relever le paradoxe que les femmes constituent la majorité des personnes baptisées engagées dans l’animation de l’Église (éducation à la foi, préparation sacramentelle, soutien à l’animation liturgique), mais qu’elles n’ont aucun ministère pastoral ordonné ou institué (l’ordination réfère au sacrement, et l’institution réfère à un ministère reconnu et confié par l’évêque).

Bien sûr, un petit nombre de femmes gravite autour de la gouvernance dans des diocèses en participant à la coordination de la pastorale d’ensemble, mais est-ce dans une dynamique de suppléance au manque de prêtres, et est-ce seulement dans des capacités de type administratives et organisationnelles? Ou bien peuvent-elles vraiment contribuer à la vision pastorale et missionnaire de l’Église?

L’Église manquera bientôt de personnes laïques avec une formation théologique et pastorale suffisante pour une contribution substantielle à l’animation pastorale. Penser l’avenir de l’Église exige qu’elle revoie ses modes d’animation, ses façons de travailler et la place que les laïques y occupent.

JG : C’est sans doute pour cela que le pape François a annoncé que le prochain synode porterait sur la synodalité, un concept qui signifie «réunion communionnelle» et qui puise ses racines dans les premiers siècles de l’Église. Elle réfère à la dimension «peuple de Dieu» dans laquelle chaque baptisé est responsable de l’ensemble. Or, lorsqu’il s’agit de réfléchir sur des orientations ou encore plus sur des formulations doctrinales, les «laïcs», c’est-à-dire l’immense majorité des catholiques, ne sont pas partie prenante. Ils constituent, selon la formule traditionnelle, «l’Église enseignée». Ils sont « le troupeau » guidé par les pasteurs. Anne Soupa et un grand nombre de personnes au sein de l’Église réclament des autorités une plus grande participation aux décisions qui concernent tout le peuple.

L’exclusion des femmes dans les ministères

SDM : Le raisonnement général derrière l’exclusion des femmes des ministères ordonnés se résume au fait que Jésus n’a pas appelé de femmes parmi les Douze Apôtres et ne leur a pas confié de charge ministérielle. De plus, cela relève d’une conception du ministère sacerdotal comme devant représenter le Christ. Pourtant, l’histoire des ministères démontre bien que les ordres (diacre, prêtre, évêque) que l’on connaît ont mis des siècles à se développer. Jésus lui-même n’a pas ordonné de prêtres. Le premier ministère apparu dans le livre des Actes des Apôtres est celui des diacres. Puis viennent les prêtres, élus par des communautés qui reconnaissaient en eux une sagesse spirituelle pour guider les fidèles.

La question du diaconat féminin est étudiée à Rome : une première commission en 2016 a analysé les données bibliques et historiques à ce sujet. Une deuxième commission annoncée récemment devrait permettre de faire avancer l’état des choses, au moins pour parvenir à définir un diaconat propre aux femmes et aux besoins d’aujourd’hui.

JG : On peut faire des liens avec les expériences dans les services publics, la politique, le communautaire et les affaires qui démontrent qu’il n’y a plus aucune raison de ne pas désigner des femmes à des postes de responsabilité. Mais il y a encore beaucoup à faire, par exemple au sujet des réflexes bien masculins à décider entre hommes! De son côté, si l’Église défend généralement l’égalité en ce qui concerne la place des femmes dans la société, elle bloque systématiquement toute possibilité d’accès à des rôles de responsabilité qui sont réservés aux ministres ordonnés, obligatoirement assignés mâles à la naissance, sous prétexte que la complémentarité entre les sexes vaut mieux que l’égalité puisqu’elle relèverait de la volonté de Dieu.

Le statut clérical

JG : Pour une part, le cléricalisme, qui est une perversion de la sacramentalité du ministère, encourage une telle « séparation ». Il a notamment facilité les abus parce qu’il met à part un groupe d’hommes qui, «institués» dans le ministère ordonné, sont «élevés» au-dessus des humains et des membres non-ordonnés de l’Église. L’Église a imposé un modèle qui consiste à reproduire le Christ: homme, célibataire, particulièrement attaché à sa mère et «entièrement» consacré à l’œuvre de son Père. Ce modèle exclusiviste a suscité bien des fantasmes, tant pour les hommes qui se sont sentis appelés à suivre ses traces que pour les femmes qui, n’ayant pas les attributs pour être «configurées» au Christ, ne pouvaient que «l’épouser» en vocation… Même si, individuellement, la vaste majorité des prêtres n’adhèrent pas pour eux-mêmes à cette idée d’être intégrés à une «caste sacerdotale», se gardant bien d’exprimer quoi que ce soit qui pourrait la légitimer, la dimension systémique du cléricalisme, sa réalisation historique et ses ancrages doctrinaux en font une réalité qui s’impose contre toute bonne volonté. Pour l’avoir vécu, l’espèce d’aura dont on recouvre la personne du futur prêtre, dès que sa vocation est reconnue, prend vite la forme d’un formatage en règle qui ne laisse que peu d’espace intérieur pour y échapper. Un prêtre se sentira toujours capable de réfléchir par lui-même, mais l’institution à laquelle il est ordonné lui rappelle sans cesse l’autorité à laquelle il est soumis.

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À propos Jocelyn Girard

Marié depuis 1984, 5 enfants, 6 petits-enfants... J'occupe un emploi dans le secteur des technologies de l'information et un autre, plus ancien, en tant que professeur à l'Institut de formation théologique et pastorale. Je suis plutôt de bonne compagnie, accueillant et discutant avec quiconque se montre respectueux, sans distinction d'origine, d'ethnie, de religion d'orientation sexuelle ou de handicap. J'ai oeuvré au sein de L'Arche (en France et à Montréal) après avoir travaillé dans les technologies de l'information (Québec et Paris). Autre blogue: http://lebonheurestdansleoui.wordpress.com Twitter : http://twitter.com/#!/jocelyn_girard Facebook : Jocelyn.Girard.9

2 comments on “Anne Soupa: oser l’inédit

  1. Geneviève

    Je suis une Catholique lyonnaise et je fais partie de ceux qui ne veulent absolument pas de Mme Soupa parce qu’elle n’est absolument pas catholique.
    En réalité, c’est une Protestante qui a le droit d’être protestante mais qui doit tirer les conclusions de ses croyances et rejoindre les Protestants.

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  2. elle a tout à fait raison … j’ai la foi au Christ d amour et de bonté et je me demande .quand l ‘église ordonnera des femmes pretre ?…beaucoup de choses sont à revoir dans l eglise …mariage des pretres , bénédiction des couples homosexuels ..une plus grande place des laics .le droit de ne pas etre d accord avec les orientations de l eglise et surtout de pouvoir dire ce que l on pense sur ces orientations ….bravo au pape François qui essaye de faire evoluer l ‘eglise du Christ mais je pense qu’ au vatican on doit essayer de freiner les réformes au maximum ….

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